Les autorités suisses (la Commission de la concurrence suisse) soupçonnent les horlogers suisses de ne pas jouer le jeu. Concrètement, que leur reproche-t-on ? Pas de s’être entendus sur les prix de vente de leurs produits pour les maintenir artificiellement à un niveau élevé. Pas non plus de s’être divisé le monde en secteurs en s’accordant les uns les autres des parts de marché figées. Tout cela a déjà été fait par d’autres cartels, détectés, dénoncés et condamnés parfois très sévèrement. Le cartel des lessiviers par exemple, qui a sévi en France pendant six ans (1997-2004) a ainsi été puni d’une amende de 361 millions d’euros !
Non, ce que les autorités de la concurrence suisse reprochent aux horlogers suisses, c’est d’empêcher que leurs montres soient réparées par des horlogers indépendants un peu partout dans le monde. Entendez, des horlogers qui ne sont pas homologués ou affiliés au fabricant. Et pour les empêcher de travailler sur les montres qui leur sont confiées par les clients, ils refuseraient tout simplement de leur vendre des pièces détachées.
Doit-on réserver l’entretien de ses produits à des réparateurs homologués ? C’est ce que les constructeurs automobiles disaient il y a quelques années quand les centres auto ont commencé à ouvrir dans les zones commerciales et promettaient des réparations ou des révisions moins chères. Pendant un temps, eux aussi ont tenté de restreindre l’accès à leurs pièces détachées d’origine constructeur pour obliger les automobilistes à passer chez leurs concessionnaires. Sauf que ces pratiques ont donné lieu à de nombreuses affaires judiciaires et ont été jugées illégales. Désormais, vous pouvez faire réparer et réviser votre voiture tout en préservant la garantie constructeur du véhicule en-dehors du réseau de la marque. Et n’allez pas me dire qu’une montre est plus complexe ou délicate qu’une voiture : quand on voit ce que contient aujourd’hui une voiture en équipements électroniques et dispositifs en tous genres, les voitures n’ont aujourd’hui rien à envier aux montres en termes de complexité.
Les autorités suisses ont donc annoncé qu’elles allaient enquêter, et si les grands fabricants de montres suisses rechignent effectivement à vendre des pièces détachées aux réparateurs indépendants, ils risquent une grosse amende.