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Arrêter les dessertes TGV des villes moyennes ne rendrait pas le pays plus riche mais plus pauvre

Alors que le gouvernement réfléchit actuellement à recentrer son réseau TGV sur les grandes villes, réduire ce débat à la seule rentabilité financière de la SNCF serait catastrophique.

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La ministre des Transports vient de confier à l’ancien président d’Air France-KLM Jean-Cyril Spinetta la mission de réfléchir à la fermeture éventuelle des gares qui pèsent trop lourdement sur la rentabilité du TGV et sur les comptes de la SNCF. En pratique, il s’agit donc de supprimer les arrêts de TGV dans les villes petites ou moyennes. Certes, rien n’est encore décidé et aucune liste n’est établie, mais on sent bien que la pression en faveur de la fermeture est forte. Les élus s’inquiètent, ils n’ont pas tort.

Il est vrai que les comptes de la SNCF ont de quoi faire peur à tout analyste financier. Au total, la dette de la SNCF atteignait fin 2016 53 milliards d’euros (45 pour la SNCF réseau, et 8 pour la SNCF mobilité). Il y a en effet maintenant deux SNCF, l’une qui s’occupe des voies ferrées et l’autre qui fait rouler les trains. C’est l’Europe qui l’impose depuis 1997 au nom de la concurrence, afin que les concurrents de la SNCF puissent faire rouler leurs trains sur son réseau. En 2020, le chemin de fer sera totalement libéralisé. Il est donc clair que si les critère est celui de la rentabilité financière de la SNCF, il va falloir fermer beaucoup de gares et même des lignes qui, d’un point de vue strictement financier, ne sont pas rentables.

Même si l’on ne regarde que la rentabilité financière de la SNCF, ce n’est pas si simple. Dans un réseau de chemin de fer, tous les segments sont interdépendants. Pour aller d’une ville à une autre, le voyageur peut emprunter un, deux voire trois segments successifs, et tous les voyageurs qui partent d’une même gare ne vont pas au même endroit. Il est donc difficile d’isoler la rentabilité financière d’une seule ligne ou d’une seule gare, d’autant plus que la séparation entre le gestionnaire des voies ferrées et celui des trains a créé un système compliqué de péages pour l’usage du réseau. Il existe beaucoup de formules compliquées pour calculer ce péage, mais aucune ne peut prétendre refléter le coût réel de l’usage d’un segment du réseau. Qui peut en effet calculer l’usure de la voie par le passage d’un train ? C’est d’ailleurs pourquoi le marché ne s’était jamais immiscé entre les trains et les voies depuis qu’il existe des compagnies de chemin de fer. Comme on a mis au moment de la séparation toutes les dettes passées de la SNCF sur le réseau et qu’elles s’alourdissent à chaque nouvelle ligne, le réseau a tendance à gonfler les péages pour amortir sa dette. Pas facile de calculer la rentabilité, surtout qu’on fait payer plus cher dans les portions du réseau les plus fréquentées pour compenser la faiblesse des recettes sur les lignes moins fréquentées et qu’on ne sait ni comment ni par qui faire payer la construction des voies qui sont là pour 100 ou 150 ans.

Le TGV peut être un facteur de développement économique et les retombées de ce développement ne vont pas dans les caisses de la SNCF mais enrichissent les Français et, au bout du compte, l’État et les collectivités locales puisqu’elles se retrouvent dans les impôts et les taxes. Si le TGV va uniquement d’une métropole à une autre sans jamais s’arrêter, il participe au gaspillage de l’espace, il contribue à vider une grande partie du territoire de toute activité, à engorger les grandes villes, à augmenter dans celles-ci la rente foncière, la pollution, à allonger le trajet domicile-travail, etc. Même s’il est vrai que les activités s’entraînent les unes les autres, nous en sommes à un point où pour l’économie comme pour la qualité de la vie, il faut reconquérir l’espace qui se vide. Mais le train ne fait pas tout seul l’activité : il faut l’accompagner d’une politique de développement volontariste qui, dans bien des cas, n’a pas été suffisante.

Même si ce n’est pas automatique, il y a des retombées extra-économiques qui contribuent aussi à faire une économie nationale plus performante. Ce qui est sûr, c’est qu’en supprimant tous les arrêts entre les grandes métropoles, on va gagner un peu de temps, mais faire mourir encore un peu plus de petites et moyennes villes. Le pays n’en serait pas plus riche mais plus pauvre, d’autant que le coût initial de construction et d’entretien des voies serait toujours là même si les trains ne s’arrêtaient plus dans ces gares.

Faut-il alors se tourner vers le privé ? Les partenariats public-privé coûtent plus chers parce qu’il faut en plus rémunérer les investisseurs de façon comparable aux investissements du secteur privé. C’est l’usager et le contribuable qui, à la fin, paye plus. On l’a fait pour la LGV Tours-Bordeaux, pas sûr que ce soit en fin de compte une bonne idée pour les finances publiques.

Bref, rien ne serait pire que de réduire le débat à la rentabilité financière de la SNCF sans tenir compte de toutes les autres conséquences économiques et non-économiques des fermetures, même si elles sont difficiles à mesurer. Sinon, nous ferions un très mauvais calcul économique.

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