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Secteur de la culture fermé : "On a le sentiment qu’on ne sert à rien"

Le secteur de la culture ne sait toujours pas quand ou comment il pourra rouvrir. Cédric Favard et Denis Gravouil sont les invités de Benjamin Glaise.

Les cinémas pourraient commencer à rouvrir à la mi mai. (Pascal Guyot / AFP)

Emmanuel Macron réunit, le 29 décembre 2020, un Conseil de Défense Sanitaire en visioconférence pour décider des mesures à prendre afin de faire face au risque de troisième vague. Le secteur de la Culture, dont les activités ont été maintenues à l’arrêt le 15 décembre 2020, craint un nouveau report.

Le secrétaire général de la CGT-Spectacle, Denis Gravouil, et le vice-président de l’association des cinémas de proximité de Gironde, Cédric Favard, sont les invités de Benjamin Glaise pour le débat du 29 décembre 2020 sur la question de savoir si oui, ou non, il faut rouvrir les salles de spectacles et les lieux culturels en général.

 

"C’est plutôt un sentiment de gâchis de ne pas ouvrir à cette période"

Le cinéma a toujours été partie intégrante de la magie de Noël, avec de nombreuses sorties programmées durant les fêtes. Des sorties, évidemment annulées cette année 2020, à cause de la pandémie. Cédric Favard, lui-même exploitant de salles de spectacle, estime que "c’est particulier", car "c’est la première année, puisque d’habitude nous on est en Formule 1 en cette période". "C’est plutôt un sentiment de gâchis de ne pas ouvrir à cette période."

 

"On a loupé toute l’année 2020"

La fin de l’année représente, pour le secteur des cinémas, l’une des plus grosses parties du chiffre d’affaires de l’année : "ça commence en octobre, en novembre ça s’accélère" et ça continue en décembre. "On est sur le plus gros trimestre de l’année", confirme le vice-président de l’association des cinémas de proximité de Gironde. "On a loupé une grosse partie de l’année ; on a loupé toute l’année 2020 de toute façon."

 

"Ce qui inquiète, c’est tout ce qui se passe autour de cette fermeture"

Sur l’avenir de la profession, Cédric Favard constate que "on n'est pas tous logés à la même enseigne", notamment du fait de l’organisation même des cinémas. "Tous les contrats sont différents, forcément il y en a qui souffrent plus que d’autres." Néanmoins, il juge que la fermeture n’est pas la principale inquiétude, "c’est tout ce qui se passe autour de cette fermeture". La crise sanitaire a en effet relancé le débat sur "la chronologie des médias", ce qui va permettre aux plateformes de diffusion numérique "d’entamer des discussions". "Il y a certaines plateformes qui ont sorti des films qui devaient sortir au cinéma", rappelle Cédric Favard, comme Disney qui a lancé son film Mulan directement sur son service de streaming. Des changements qui frappent tout particulièrement le marché américain, qui représente "une entrée sur deux" dans les cinémas français.

Plusieurs studios américains historiques ont été rachetés ou sont en discussions, ce qui devrait modifier sensiblement le panorama de la production et de la diffusion de films. "Tous ces bouleversements sont en train de s’opérer et s’accélérer du fait de la Covid-19."

 

"On a des gens qui n’ont pas pu travailler pratiquement depuis le printemps"

La fermeture des salles de spectacle a fortement impacté les artistes et les intermittents du spectacle. "C’est particulièrement catastrophique", s’alarme Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT-Spectacle. "La situation est un peu différente dans le cinéma et dans le spectacle vivant : dans le cinéma c’est catastrophique pour les exploitants, et ça risque d’être catastrophique pour toute la chaîne", souligne-t-il. Toutefois, ces effets ne se feront sentir que dans quelques mois, les projets déjà financés et validés poursuivant leur chemin. "Mais sur le spectacle vivant, c’est catastrophique depuis le mois de mars" car les gens ne peuvent pas travailler. Une situation qui frappe même les plus connus d’entre eux, ce qui signifie que "les anonymes, les techniciens, les artistes, les musiciens et musiciennes sont dans une situation catastrophique". "On a des gens qui n’ont pas pu travailler pratiquement depuis le printemps."

 

"On a le sentiment qu’on ne sert à rien et qu’on nous dit ‘bah, vous êtes pas essentiels’"

"Au-delà de la question financière, parce qu’on a des gens qui sont en train de se précariser de façon très très rapide", explique Denis Gravouil, "la rencontre avec le public ne se fait pas, et c’est aussi extrêmement douloureux : on a le sentiment qu’on ne sert à rien et qu’on nous dit ‘bah, vous êtes pas essentiels’". S’il concède que la culture n’est pas aussi "vitale" que les hôpitaux, par exemple, "on a le sentiment que la culture c’est essentiel".

L’absence de possibilité d’aller au cinéma, voir un concert ou encore au théâtre, peut paraître insupportable pour les Français : "à long terme, on a besoin de ça pour réfléchir, se distraire… pour plein de raisons", estime Denis Gravouil. "On voit qu’on ne peut pas se passer de ça à long terme, on ne peut pas être juste dans la survie."

 

"La réouverture, elle n’est pas pour tout de suite"

Le secteur de la culture devait rouvrir ses portes le 15 décembre 2020, mais la situation pandémique ne l’a pas permis, le gouvernement ayant décidé de repousser la réouverture au 7 janvier 2021, toujours sous conditions sanitaires. Et celles-ci ne se présentent pas sous le meilleur augure. "Personne ne se fait d’illusions sur le fait que le 7 janvier on va nous annoncer qu’on rouvre le 8." "La réouverture, elle n’est pas pour tout de suite", estime le secrétaire général de la CGT-Spectacle.

Le Conseil d’État a même validé la décision du maintien de la fermeture le 15 décembre, après avoir été saisi par les organisations du monde du spectacle pour tenter de forcer la réouverture. Une décision acceptée par les organisations mais, estime Denis Gravouil, "la décision qui a été prise pour le 15 décembre, il ne faut pas la faire de la même manière", notamment car elle avait été abrupte et inattendue. "Il faut recommencer à discuter avec l’ensemble des professionnels pour prévoir une ouverture qui soit programmée suffisamment à l’avance."

Il rappelle en outre, qu’il "n’y a pas eu de clusters dans les salles de cinéma ou les salles de spectacle vivant". "De toute manière, on sait que ça ne va pas rouvrir facilement."

 

La réouverture, "ça ne se décide pas en 5 minutes"

Cédric Favard se prépare malgré tout à la réouverture des cinémas, sans savoir vraiment quand elle aura lieu, car "il faut quand même un petit peu de temps : il faut programmer sa salle, il faut préparer les établissements". Pour le cinéma, toute la chaîne de logistique doit être mobilisée, ce qui empêche de rouvrir du jour au lendemain : "il y a des distributeurs, il faut que eux puissent rouvrir, et il faut qu’ils aient une visibilité aussi". "Un film, il a besoin d’au minimum 4-5 semaines, voire 6, pour vivre… voire plus, parce qu’après il y a quand même plus de 2.000 établissements en France" qui ne reçoivent pas tous les film au même moment. La réouverture, "ça ne se décide pas en 5 minutes. On ne peut pas nous annoncer le vendredi qu’on rouvre le lundi ou le mardi".

 

"La décision unilatérale de tout fermer n’est pas compréhensible"

Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, est en train de préparer un plan avec plusieurs hypothèses de travail, comme une réouverture en fonction de la situation sanitaire, région par région. Une solution qui risque de ne pas faire que des heureux : "la situation est différente pour le cinéma et pour le spectacle vivant", souligne Denis Gravouil qui explique que le cinéma ne peut pas ouvrir de manière différente pour chaque région. "Une sortie, c’est forcément national."

"Dans le spectacle vivant, les situations pourraient être différentes", concède le secrétaire général de la CGT-Spectacles, avec des ouvertures région par région. "La décision unilatérale de tout fermer n’est pas compréhensible" car "il y a des choses qui peuvent s’adapter".

Au lieu de fermer, estime le syndicaliste, "il faudrait discuter avec les professionnels que nous sommes tous" afin de "savoir comment on peut s’organiser". Il demande également "un scénario à long terme", que le gouvernement ne donne pas, ce qui empêche les professionnels d’avoir de la visibilité. "On sait qu’on va en avoir pour toute l’année 2021", estime Denis Gravouil, ce qui nécessite de l’organisation.

 

 

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