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Torpeur judiciaire pour le gouvernement Hollande

Plus que onze jours avant le premier tour de l’élection présidentielle et peut-être quelques secrets d’état en vue.

 

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Il y a deux avantages à l'élection présidentielle pour qui s'intéresse à la politique étrangère. D'abord, les candidats en viennent à se poser les bonnes questions à force de jouer aux chefs d'état, comme : quel est l'intérêt de la France ? Que reste-t-il de la puissance française ? Comment éviter le collapsus de son armée ? Et comment rendre au peuple le plus pessimiste de la Terre, un peu de confiance en soi ? Évidemment, en faisant le bilan, ou le procès des sortants, on se désole beaucoup, on dérape parfois, et tout cela entretient le dénigrement de soi, qui est une forme désormais malheureuse du narcissisme français. Il n'y a qu'à voir ce qu'il s'est passé dimanche avec Marine le Pen et la polémique sur le Vél' D'hiv. L'autre curiosité, c'est que le changement de locataire à l'Élysée ouvre soudain certains dossiers, des langues se délient, l'alternance délivre de leur prudence les ambitieux qui se taisaient et les vantards peuvent enfin raconter combien ils ont été formidables. En septembre, c'est garanti, il y aura un concours de mémoires en librairie. Mais on pourrait aller beaucoup plus loin. Une pétition a été lancée hier pour que les candidats s'engagent à lever le secret défense, qui bloque toute une série d'affaires judiciaires appartenant à l'histoire. Par exemple, l'enlèvement de Ben Barka ou l'élimination de Thomas Sankara, le suicide de Robert Boullin, celui du juge Borrel à Djibouti, l'attentat de Karachi, le naufrage du Bugaled Breizh, l'enlèvement de Guy-André Kieffer ou le génocide des Tutsis au Rwanda… À chaque fois des familles réclament la vérité. À chaque fois les juges buttent sur la raison d'état, qui leur refuse d'accéder aux dossiers classifiés. À chaque affaire restée insoluble, le soupçon entretient la défiance envers le pouvoir, l'idée que quelqu'un est coupable et qu'il se protège en se drapant dans le mol édredon du secret d’état.

À la Courneuve il y a les archives du Quai d'Orsay, des kilomètres de rayonnages, des trésors absolument inestimables, des parchemins, des télégrammes, des cartes annotées par Napoléon, des traités du Moyen-âge, c'est un trésor qui est inestimable. Et puis le tabernacle, c'est un cagibi de quatre mètres carrés sans fenêtre. Une porte blindée, la lumière s'allume, une caméra aussi et vous fixe, seul le directeur et autorisé à franchir le seuil. Il devra expliquer ensuite la raison de sa visite. Sur une étagère, quelques dossiers prennent la poussière, on trouve aussi une table et un vieux terminal d'ordinateur relié à l'Élysée et à Matignon. Se connecter entraine une enquête immédiate de sécurité. Là sont rangés les secrets d'état, pour ceux qui aiment les conspirations, c'est la caverne d'Ali Baba. Un exemple, un seul. Fin janvier, nos confrères d'Envoyé Spécial ont trouvé des témoins qui font le lien entre la libération des otages au Niger par les djihadistes d'Abou Zeid et la mort quatre jours après, de deux reporters de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Les deux ont été enlevés à Kidal au Mali en 2013. On n'a pas eu le temps de s'inquiéter, ils étaient déjà assassinés. Une enquête largement couverte par le secret-défense, un juge a été désigné, il n'est pas trop pressé, l'Adn a parlé, deux des ravisseurs ont déjà été éliminés dans des accrochages avec l'armée française. Les deux autres ne perdent rien pour attendre, mais les familles des deux reporters veulent davantage. Elles veulent la vérité et on les comprend.

Qui sont les commanditaires ? Pourquoi cet enlèvement ? Pourquoi après avoir payé une rançon de 30 millions d'euros à Abou Zaid, trois millions d'euros supplémentaires n'ont pas été versés aux intermédiaires qui ont décidé de se venger ? Est-ce que Ghislaine Dupont et Claude Verlon sont mortsà cause d'une querelle d'ego et de gros sous entre le cabinet du ministre de la Défense et les équipes de la DGSE ? Où est-ce qu'il n'y a rien à cacher, mais des sources à protéger, des alliés à ménager, une guerre implacable et incertaine à gagner ? Si Emmanuel Macron est élu, le candidat que soutien Jean-Yves le Drian, le juge ne sortira pas de sa torpeur. Dans le cas contraire, l'omerta sera levée et pour la deuxième fois, on pourrait bien voir un ancien président français dans le cabinet d'un juge. François Hollande, le Président qui jurait les yeux dans les yeux de dire toute la vérité aux familles, mais qui n'a pas souhaité les recevoir depuis la diffusion de ce reportage d'Envoyé spécial.

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