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Ochlocratie et souveraineté

Le débat d'hier soir entre les onze candidats à la présidentielle inspire un mot en particulier, le mot ochlocratie.

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C'est un mot savant, dont la racine grecque « ochlo » veut dire « foule ». La traduction littérale étant : « Le pouvoir de la foule ». Aujourd'hui, cela veut dire « le pouvoir des chaînes d'information continu » et hier soir, nous avons eu le droit à quatre heures d'ochlocratie. Il était fascinant de voir les onze candidats, chacun dans son couloir, répondre aux deux consœurs photogéniques, qui posaient des questions très larges, avec un ton très pointu, et qui jouaient les commissaires de course le chrono à la main, c'est toujours mieux que de jouer les commissaires politique. Concrètement l'ochlocratie c'est  tous le monde parle, personne n'écoute et chacun décide, nul ne fait rien. La chose étant bien plus fréquente que le mot, on le voit à l'ONU, à Nuit Debout, aux assemblées générales des grévistes dans le service public, en conférence de rédaction à Sud Radio, etc. Mais, il y avait quelque chose de plus fascinant dans ce grand débat d'hier soir… Ce grand débat sans dialogue. C'est que pendant deux heures pleines, ils ont parlé de la souveraineté. C'est-à-dire de l'indépendance nationale, la dépendance à l'Europe dans les traités ne laisserait plus aux dirigeants Français que les apparences du pouvoir, un secret dont ils ont hontes et qu'ils gardent jalousement. On a d'ailleurs parlé de l'harmonisation fiscale, qu'il faudrait imposer. Mais comment ? On ne sait pas…

Il faut l'unanimité des 27, du CETA et du TAFTA qui approchent. Quelqu'un a même évoqué la Chine, avec sa domination qui exige de s'unir. Un autre, l'Amérique de Donald Trump prête à déclencher la guerre commerciale. Mais tout cela, c'est pour parler de l'euro qu'il faut défendre. Bref, quand on parle du monde, on parle de l'Europe, donc on parle des problèmes de copropriété, c'est-à-dire que l'on se plaint de l'Allemagne sans le dire. Même quand il s'agit du terrorisme, de la guerre en Orient, on en revient au calcul du coût de ces interventions extérieurs, du fait que France serait toute seule pour la sécurité de l'Europe. C'est vite dit, c'est un slogan. On n'en est pas encore à se demander : « Au fait, quel est l'intérêt de la France ? » Apporter son artillerie de campagne dans la plaine de Mossoul, combien cela coûte-t-il ? Et combien cela rapporte-t-il ? Mais quand même, deux heures à parler du monde extérieur, deux heures avant de revenir à Pénélope et aux costumes de Fillon… On n'en revient pas !

Deux remarques. La première est que l'on n'a jamais vu cela durant une campagne présidentielle, surtout avant le premier tour. Parmi toutes les surprises de cette campagne sans précédent, il y a bien cette inquiétude sur notre sort dans le monde. On parle de l'étranger pour parler d'économie, mais il n'y a plus de coupure entre politique étrangère et politique intérieure. C'est toujours le souci du déclassement, la peur et l'espoir de trouver un ressort. Depuis le début, l'étranger a joué un rôle décisif. Rappelez-vous le voyage d'Emmanuel Macron en Algérie, qui a été son premier faux pas, des relations de Fillon ou de Marine le Pen avec la Russie, qui ont suscité toutes sortes de critiques. Les références au Brexit ou à Donald Trump sont permanentes.

Secundo, l'accent mit sur ces questions traduit bien l'inflexion majeure que révélait un sondage OpinionWay, il y a quelques semaines. II y aurait désormais un axe plus important pour les électeurs que l'axe droite/gauche, c'est l'axe mondialisation/démondialisation, qui serait déterminant pour les milieux populaires, mais aussi pour les classes moyennes ou supérieures. Est-ce durable ? Est-ce qu'apparaît en France ce paradigme qui a ébranlé les américains et les britanniques l'an dernier ? Il faut être prudent. Il faut voir qu'aux États-Unis, aux élections du Congrès qui ont suivi la présidentielle, on est revenu à un front Démocrate contre Républicain. On verra si cela se joue de la même manière pour les législatives au mois de juin.

Dernier point, pendant que les Français n'en finissaient plus de soliloquer hier, ou de débattre sans dialoguer et de croiser leurs monologues, l'Allemagne refuse d'entrer en campagne. Hier, l'actualité européenne, c'était trois choses : leur ministre des affaires étrangères, qui était à Londres pour parler du Brexit, le Chancelier qui recevait le Premier ministre libanais à Berlin pour parler de la Syrie et le président de la République fédérale d'Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, qui se faisait applaudir par le parlement européen réuni en plénière à Strasbourg, qui reste une ville française.

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